Sur un fil de la toile #9-4 | La censure, l’outil le moins légitime et efficace pour protéger la démocratie

boxeurLe prix du ticket n’a pas changé. Pas moins de quarante euros. Les places inoccupées se comptent sur les doigts de la main. (Le Point, Nous sommes retournés voir Dieudonné à La Main d’or, le 19.02.2014)

Comme je l’avais prévu: Dieudonné fait toujours aussi salle comble et son spectacle Asu Zoa n’est qu’une version “soft” du Mur, expurgée des parties les plus problématiques du point de vue légal. Ou plus exactement, il n’a fait que les remplacer par des allusions et des insinuations.Or, il n’y a pas de lois contre les sous-entendus!  Continue reading

Simplement correct #4-6 | Frédéric Taddeï doit-il être un journaliste ou un redresseur de torts?

Kid_with_the_press_transDepuis deux semaines, une partie des réseaux sociaux s’écharpent au sujet du fonctionnement de l’émission Ce soir ou jamais (CSOJ), animée depuis ses débuts par Frédéric Taddeï. Il lui est notamment reproché d’inviter des personnalités aux idéologies douteuses et de leur offrir ainsi une tribune (supplémentaire) pour s’adresser au grand public. Je n’ai pas l’intention de revenir ici sur tous les propos qui ont été tenus à ce sujet, mais je voudrais néanmoins m’attarder sur la critique que Caroline Fourest fait de cette émission dans sa chronique hebdomadaire sur France Culture. En effet, elle sort un peu du lot en ce qu’elle pose une question, qui est certes sempiternelle, mais importante et qui est celle du rôle du journaliste arbitrant un débat. Si je suis généralement en accord avec les analyses de l’essayiste-journaliste, cette fois-ci, il m’est vraiment impossible de la suivre. Et j’avoue un certain agacement face à son entêtement à répéter sur Facebook et dans d’autres médias certaines allégations fortement approximatives, pour ne pas dire franchement inexactes. Je vais essayer de prendre un à un ses principaux arguments. Continue reading

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Sur un fil de la toile #9-3 | Non, le racisme n’est pas un délit!

Voilà un très bon billet de blog qui met certains points sur les “i”, à commencer par la distinction entre la haine et l’appel à la haine, mais aussi les actes et les opinions, et enfin, sur le choix des armes pour combattre les idées destructrices et “nauséabondes”: le débat, pour contrer, pied à pied, ces idées/opinions, ou la censure et l’interdiction légale.

Vous pouvez vous douter que si j’adhère à ce texte, c’est en grande partie parce qu’il exprime, souvent plus éloquemment que je ne l’ai fait jusqu’à maintenant, ma conviction que ces lois contre l’incitation à la haine constituent finalement une forme de renoncement et de démission démocratique face aux citoyens qui expriment des idées problématiques. Sa conclusion énonce assez bien ma position actuelle:

Si nous choisissons la première alternative (la censure et l’interdiction des incitations à la haine), nous ne ferons gagner qu’un peu de répit sur les digues que le balancier du temps et de la transgression finiront toujours par renverser.

Si nous choisissons la seconde (le débat public), nous travaillerons sur les hommes eux-mêmes, en les prenant comme des intelligences aptes à se rendre compte par elles-mêmes du chaos auquel la haine nous mène. Plus fastidieux et moins spectaculaire que de cloisonner les idées de haine dans des enclos… tout comme il est plus laborieux d’apprendre à un homme à pêcher que de lui donner un poisson par jour.

A entendre certains, on a l’impression que la démocratie telle que nous la connaissons aujourd’hui serait si ancienne et la culture du débat tellement profondément enracinée dans les mentalités de nos concitoyens, qu’il ne serait plus excusable que certains d’entre eux puissent encore exprimer des idées aussi absurdes et destructrices, ce qui justifierait la nécessité de les punir. D’où la nécessité de ces lois, si le débat ne suffit plus à circonvenir ces idées. Or, la démocratie moderne a véritablement moins de 200 ans et le sport de combat intellectuel qu’est le débat est loin d’avoir vraiment pris sa place parmi la panoplie des moyens de discussions dans l’espace public. La plupart des gens conçoivent le débat comme un ring de boxe dans lequel l’important est de mettre son adversaire K.O., par tous les moyens, même les plus déloyaux, tels que la diffamation ou la calomnie, ou les plus vicieux, comme le harcBagarre_Mangaèlement et la déstabilisation verbale. Dans ce cadre, les lois contre l’incitation à la haine sont comprises comme un moyen légal supplémentaire pour réduire l’autre au silence. Et à entendre certains de leurs partisans, c’est bien à cela que serviraient ces lois.

Cela dit, l’auteur ne semble pas les dénoncer les lois qu’il estime justifiées pour ce qu’elles signalent en grosses lettres le risque impliqué par la faiblesse de l’esprit humain et la facilité avec laquelle il est possible de pousser les gens à adhérer à des idées simplistes et potentiellement dangereuses, ce qui les rend alors susceptibles de se laisser entraîner par la foule, si celle-ci devait se constituer. Il s’agit d’indiquer aux gens une limite claire et nette à ne pas dépasser dans l’abjection. Si je peux suivre cette ligne de raisonnement et le comprend assez bien, il me semble que cela ne résout pas le problème de l’arbitraire du tracé de cette limite et dans la tentation, très forte, que souligne l’auteur, d’en faire un outil de lissage de l’espace public par crainte des divisions que ce genre de débat pourrait générer.

Or, cette peur de la division me sembler renvoyer à une idée de la démocratie qui peut sembler idyllique à première vue, mais ne l’est pas vraiment, soit, une démocratie où tout le monde il est gentil avec tout le monde, où tout le monde il est d’accord avec tout le monde et où tout le monde ne fait qu’un avec tout le monde. Or, ce n’est pas de la démocratie, mais plutôt “Le meilleur des mondes”. La démocratie, ce n’est pas la négation des dissensions et des désaccords, même vifs et durables. C’est un moyen de gérer ces occasions de frictions en respectant les droits fondamentaux des uns et des autres. Faire taire une partie de la population au prétexte que leurs idées pourraient potentiellement mener à des actes destructeurs (mais à condition que toutes les autres structures de la société se désagrègent, ce qui n’est pas exactement pour demain non plus) ou simplement parce qu’elles écorchent la sensibilité ou la susceptibilité des autres ne me paraît pas la bonne méthode pour maintenir la démocratie.

François De Smet

le-racisme-est-un-delit_3832383-L« Le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit ! ». La rengaine est connue, enrobée de l’évidence des bonnes consciences qui jalonnent les débats récurrents sur la liberté d’expression. En général, ce rappel incantatoire trouve place dans les boîtes à citations à côté du célèbre « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté » de Saint-Just, prononcé en pleine Révolution et qui possède comme lui des accents bien funestes – car le bras qui désigne les ennemis de la liberté est en général celui qui abat la guillotine, rappelant que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Il en va de même pour ce prêt-à-penser commode que constitue notre antienne « le racisme est un délit ». Ce postulat est incorrect et trompeur car il confond ouvertement les idées et la manière de les propager. Il assimile le racisme avec l’appel à la haine – qui lui, en revanche…

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Commentaire à chaud #17 | Débats et tours de passe-passe

Kid_with_the_press_transLes tours de passe-passe dans les polémiques et les débats publics m’agacent énormément, d’où qu’ils viennent (c-à-d, de gauche, de droite, du centre, d’en-haut ou d’en-bas). Par là, j’entends les petites tricheries, notamment de langage, devant permettre à celui qui les utilise de ne pas se prendre la tête à chercher des contre-arguments à opposer à ceux de l’autre camp. Ce n’est pas seulement malhonnête, et donc condamnable en soi, mais en plus, c’est généralement totalement contre-productif, puisque l’autre peut facilement retourner la tactique à son avantage. On a droit à un exemple flagrant avec le comportement de Laurent Joffrin (LJ), Directeur du Nouvel Observateur (Nouvel Obs), dans le contexte de la polémique autour de la menace prononcée par Marine Le Pen (MLP) à l’encontre de tous ceux qui oseraient qualifier publiquement le Front National (FN) de parti d’extrême-droite. Dans ce cas, on a eu droit à double tour de passe-passe, qui permettra probablement à MLP et au FN de poser en sempiternelles victimes de l’establishement politico-médiatique parisien. Continue reading

Commentaires à chaud #12 | Libérez les Vierges Marie!

BonneSoeur_manga2Il y a deux ans, j’ai découvert le travail de la jeune artiste Soasig Chamaillard grâce au Courrier International et à Arrêt sur Images et j’ai été immédiatement séduite par ses Vierges Marie détournées et transformées en nouvelles icônes à la sauce pop art! Il faut dire que la première œuvre sur laquelle je suis tombée avait tout pour attirer mon attention: Il s’agissait de la Vierge au petit robot, avec Astro, le petit robot dans le rôle de l’enfant. Par la suite, j’ai découvert que l’artiste, qui a le même âge que moi, semble avoir aussi été une adepte de l’animation japonaise, des super sentaï et de multiples autres produits de la culture populaire nippone, puisqu’elle a déguisé ses statuettes récupérées de Vierges Marie en toutes sortes de personnages cultes de cette industrie: Power Rangers, My Little Mary, Sainte Moon, Hello Mary, Pokemum, etc. En même temps, j’apprenais que des petits catholiques intégristes n’avaient rien trouvé de mieux à faire que d’exercer toutes sortes de pressions sur la galerie Albane à Nantes qui l’exposait afin de l’obliger à retirer ces Vierges Marie transformées qu’ils ne sauraient voir! Et surtout qu’ils ne sauraient tolérer que d’autres, moins fanatisés qu’eux, voient et, ô horreur, puissent les apprécier, ou, enfer et damnation, soient même tentés d’en acheter! Continue reading