Commentaires à chaud #15 | Adeline, le petit chaperon rouge et le bon citoyen

Le petit chaperon rouge, 1883, huile sur toile, par Albert Anker. Source: Wikimédia. Crédits: http://www.gianadda.ch/f/infos/presse.html

Le petit chaperon rouge, 1883, huile sur toile, par Albert Anker. Source: Wikimédia. Crédits: http://www.gianadda.ch/f/infos/presse.html

Le dernier fait divers dramatique en date à agiter le public, à savoir l'”affaire Adeline”, a fait remonter dans les discours hystériques émis de toutes parts des représentations incroyablement sexistes de la femme qui semblent avoir totalement échappé à la plupart des acteurs de l’espace public. Et je pense que cela est du à l’instrumentalisation de ces préjugés pour dépeindre de la manière la plus noire possible celui que l’opinion publique la plus bruyante a déjà condamné. En d’autres termes, ces propos utilisent une vision caricaturale de la victime afin de transformer le suspect en monstre, alors que l’on ne sait même pas encore avec certitudes qu’il est bien le bourreau. Or les préjugés, par définition, font appel à des stéréotypes tirés d’un fond culturel commun qui tend à assigner des caractéristiques figées à des figures narratives connues de tous. Dans ce cas précis, les propos au sujet des deux principaux protagonistes de cette actualité rappelle sérieusement l’histoire du petit chaperon rouge et du grand méchant loup. Il sera donc question de forêt, de femme, de prédateur sexuel et de meurtre. Mais, comme d’habitude dans ce genre de situation, des analyses à base de stéréotypes, comme celles qui sont lancées sans trop de réflexion  par tous ceux qui ont une opinion sur cette histoire, s’avère complètement stérile, voir même insultant pour la victime.

Bref résumé du fait divers

Que s’est-il passé?  Jeudi matin 12 septembre 2013, Fabrice A. un violeur récidiviste est sorti de la prison de Chandollon (Genève, Suisse) accompagné d’Adeline M., sa thérapeute, pour aller à un cours d’équitation, dans le cadre d’un programme de ré-insertion progressive visant à préparer sa sortie de prison, encore éloignée de plusieurs années. Or, ils ne se sont jamais présentés au manège. Ce n’est que dans l’après-midi que l’alerte est donnée. Le lendemain matin, le corps sans vie de la jeune femme, la gorge tranchée, est retrouvé emballé dans un sac et attaché à un arbre, dans une forêt à proximité du centre équestre en question. Quelques heures plus tard, les médias annoncent que l’homme a été repéré, grâce au signaux du téléphone portable de la victime, dans les environs de Bâles, près de la frontière française, à plusieurs centaines de kilomètres du lieu du crime. On nous dit alors que la police a réussi à le localiser et a tenté de l’arrêter, mais sans succès. L’homme a alors complètement disparu pendant  encore 48 heures avant d’être arrêté dans un petit village polonais près de la frontière allemande. La Suisse a immédiatement adressé une demande d’extradition à la Pologne. Celle-ci devrait être accordée sans problème, mais il reste encore la possibilité pour l’accusé de faire opposition à son renvoi en Suisse. S’il utilise cet outil, les choses pourraient effectivement encore traîner quelques mois. Mais, pendant tout ce temps, il resterait en prison et je ne suis pas sûre que les prisons polonaises soient aussi agréables que celles en Suisse.

Entre deux, les médias, divers experts, des politiciens et naturellement une partie de l’opinion publique se sont déchaînés contre tous les acteurs politiques, judiciaires et socio-médicaux ayant plus ou moins de responsabilités dans la politique de réinsertion des détenus. Un vrai cirque médiatique! Face au débordement émotionnel sur leurs sites Web, plusieurs rédactions ont pris la décision de fermer les commentaires sous les articles concernant cette affaire, tant les propos des internautes regorgeaient d’appels à la mise à mort du suspect et d’insultes envers les personnalités politiques éclaboussées par ce drame! Ce qui ne freine pas vraiment la vox populi enragée ni ceux de ses représentants officiels actuellement en campagne électorale, puisqu’il reste les réseaux sociaux sur lesquels ils peuvent exprimer leur haine tout leur saoûl !

Dans la panique et pour tenter de calmer les hurlements venant de tous les côtés, Pierre Maudet, le Conseiller d’Etat responsables du département genevois de justice et police, a aussitôt fait annuler toutes les sorties accordées aux condamnés suivant des mesure de ré-insertion.

Adeline: Faible brebis ou petit chaperon rouge livré à un loup sauvage

Alors outre le fait que tout le monde semble persuadé que Fabrice A. est coupable et qu’il doit être absolument enfermé à vie (voire condamné à mort selon le vice-président des jeunes UDC genevois, Xavier Schwitzguébel), il se trouve que dans un même mouvement, la victime est transformée en une innocente petite fille sans défense qu’un système judiciaire irresponsable aurait mise entre les pattes d’un monstre assoiffé de sexe et de sang.  Ce commentaire pas piqué des nèfles illustre particulièrement bien ce tour de passe-passe rhétorique:

Je n’ai jamais vu un berger donner une brebis à un loup, comme vient de le faire la justice dont les lois sont irresponsables.

En gros, Adeline M. serait une sorte de petit chaperon rouge (ou une faible brebis) que l’on aurait envoyée seule accompagner le grand méchant loup en pleine forêt, et ce dernier en aurait profité pour la dévorer, puis s’enfuir. Seulement, voilà, comme l’indique quand même plusieurs sources, la jeune femme n’avait rien d’une petite fille innocente et sans défense. Elle était criminologue et socio-thérapeute, avec 7 ans d’expériences derrière elle.  Elle avait choisi de travailler avec de dangereux criminels et avait suivi une formation appropriée dans l’encadrement de telles personnes. Elle connaissait ainsi les risques de ce métier. Elle les connaissait tellement bien que la naissance de son premier enfant l’avait poussée à chercher un nouveau job, moins exposé. Il semblerait, en effet, qu’elle était sur le départ et qu’il s’agissait là probablement d’une de ses dernières missions.

Un simple parcours de la presse régionale (Tribune de Genève, 24 Heures, Le Matin, Le Temps) offre un véritable florilège de stéréotypes à propos de la victime, lesquels font totalement abstraction de ses choix de vie. Le plus souvent, le discours est vague, mais on comprend bien une chose: Une femme ne devrait simplement jamais se voir confier l’accompagnement d’un dangereux criminel. Ainsi, Grégoire Barbey, journaliste stagiaire, estime, en introduction d’un billet de blog sur cette affaire, qu’une femme ne vaut, par définition, pas un homme, quand il s’agit d’encadrer une brute:

Qu’il lui soit permis en plus de sortir en n’étant encadré que d’une femme, c’est tout simplement incompréhensible.

Il est loin d’être le seul. Un très grand nombre de commentaires trouve simplement incongru que l’on puisse laisser une femme seule avec un dangereux criminel, comme l’illustre ce commentaire d’un internaute réagissant à un article de la Tribune de Genève relatant la conférence de presse du Conseil d’Etat genevois le 13 septembre 2013:

Comment peut on laisser pareil individu dangereux que sous l’unique surveillance d’une jeune femme ?

S’il s’était agi d’un homme, personne n’aurait trouvé cela bizarre. Apparemment, les femmes ne sont pas faites pour affronter le danger!

Adeline: la jeune femme pas assez malabar et trop naïve

FemmeMochePlus précisément,  deux préjugés liés au genre, au sexe et à l’âge ressortent particulièrement des propos aussi bien des politiques que des internautes.

Le premier concerne la force physique de la thérapeute. De toute évidence, une jeune femme n’est pas en mesure de se défendre contre un violeur récidiviste, et encore moins de lui courir après ou de la maîtriser.  La réaction de Christian Lüscher, Conseiller national genevois PLR, cité par le Temps du 14 septembre 2013 est emblématique, puisqu’une femme qui est belle ne devrait surtout pas encadrer un violeur (parce que c’est connu, les femmes “moches” ne se font jamais agresser) et surtout, elle ne saurait avoir la capacité de se confronter à ce genre de criminel, parce que tout le monde sait qu’une femme est d’autant plus magnifique qu’elle est physiquement faible, n’est-ce pas!

[…]«comment peut-on laisser un violeur récidiviste aller faire du cheval en compagnie d’une jeune femme magnifique? C’est trivial, mais il faut aussi s’interroger dans ces termes. Si l’autorisation de sortie est donnée, pourquoi ne pas opter pour un garde du corps, qui puisse courir aussi vite que le détenu, qui soit en mesure de le maîtriser?

Apparemment, M. Lüscher ne sait pas que des femmes pratiquent aussi le métier de garde du corps! Plus sérieusement, il sous-entend aussi que les personnes qui travaillent dans ce service et ont choisi une profession qui les met en contact direct avec des gens dangereux n’ont pas été formées à leur faire face. Même si la victime n’était peut-être pas championne en arts martiaux, il est probable qu’elle avait suffisamment de base en auto-défense pour pouvoir se retrouver seule avec un pareil détenu.

Yvan Perrin, Conseiller d’Etat neuchâtelois UDC, cité dans le même article, lui, va droit au but, sans s’embarrasser de fioritures, puisqu’il estime que la pauvre manquait de l’essentiel pour ce genre de situation!

«Laisser quelqu’un comme le détenu en question avec une jeune femme qui n’a pas le nécessaire pour l’affronter, c’est criminel.»

Mais, nombre d’internautes semblent aussi penser que l’on ne devrait jamais confier la surveillance d’un type dangereux à une femme, jeune qui plus est. Cet autre commentaire d’un internaute réagissant aux propos des Conseillers d’Etat genevois lors de leur conférence de presse du 13 septembre, au cours de laquelle est annoncée l’annulation des sorties pour tous les autres détenus de l’unité carcérale d’où venait Fabrice A., est emblématique de cette perspective:

Felicitations !! Il fallait pas déjà le faire avant, surout ! Quelle personne intelligente, laisse sortir un violeur récidiviste pour une petite promenage “educative” avec, surtout, une femme à ces cotés et pas un gros Malabar……Genève à tout compris ! Bravo !!!

D’autre part, en tant que femme, il semble évident aux divers commentateurs qu’Adeline M. n’avait pas non plus le caractère et donc la compétence intellectuelle nécessaire pour évaluer les réactions du condamné. Ainsi, on ne compte plus les propos laissant fortement entendre qu’une femme ne peut qu’être trop douce et naïve, voir trop bêtement inconsciente, pour prendre en charge ce genre de condamné. Les exemples ci-dessous, notamment le tout premier, illustrent bien cette posture:

Cette Adeline paie quand même au prix fort sa naïveté et sa foi en l’être humain bon et généreux

En plus toute la promenade du violeur condamné à 10 ans de prison avec une gentille jeune femme sans beaucoup de défense face à un individu de cet acabit. Edifiant !

Pourquoi laisser des criminels au lourd passé se balader, et de surcroît pour aller faire de l’équitation (activité que bon nombre de suisses ne peuvent offrir à leurs enfants faute de moyens) sous la seule vigilance d’une gentille demoiselle ?

(Le violeur en fuite avec sa thérapeute court toujours, 24 Heures, le 12.09.2013)

Les femmes: trop gentilles pour encadrer de dangereux criminels

Cuisinière_StéréotypeDu coup, il n’est pas si étonnant qu’une bonne partie des discours remettent en doute les compétences professionnelles de cette “gentille” femme sans défense. C’est ainsi que ses qualifications sont fréquemment complètement zappées. Rares sont ceux qui semblent conscient de sa formation et de son véritable travail. De fait, bien que socio-thérapeute, avec un bagage universitaire en criminologie, elle est régulièrement présentée comme une accompagnatrice, une assistante, ou une éducatrice. Or, ces professions sont souvent vues comme non seulement l’apanage des femmes, car s’accordant soi-disant à leur nature douce et maternelle, mais en plus, du fait qu’elles correspondraient si bien à l'”instinct féminin”, sont aussi généralement déconsidérées. Si ça vient naturellement aux femmes, c’est que cela ne requiert pas beaucoup d’apprentissages. Et si ça ne nécessite pas l’acquisition de compétences, c’est que ce ne sont pas de véritables métiers. Dans ce cas, ces postes ne permettent donc pas de mener de vraies carrières, qui impliquent de l’ambition et une volonté de se battre. En attribuant ce type d’activité économique à la victime, les auteurs de ces commentaires sous-entendent qu’elle n’était simplement pas apte, d’un point de vue non seulement professionnel, mais aussi naturel, voir biologique, à encadrer cet homme. Une femme n’est simplement pas faite pour gérer de dangereux violeurs. Point.

VRAIMENT incomprehensible de laisser seule une assistante avec un violeur, je pense que la suite va certainement rien annoncer de bon.

Mais c’est de la provocation que de mettre une femme SEULE pour escorter un prévenu de viol, même si c’est une éducatrice.

(Le violeur en fuite avec sa thérapeute court toujours, 24 Heures, le 12.09.2013)

Mais même dans les quelques cas où les auteurs des commentaires reconnaissent un certain niveau de qualifications professionnelles à Adeline M., ils en concluent alors à de l’inconscience de sa part. De toute évidence, la pauvre manquait totalement de jugeote! Ou alors, elle était incapable de faire preuve de volonté, puisqu’elle s’est apparemment laissée imposer une mission évidemment bien trop dangereuse pour elle! Les exemples suivants représentent bien cette posture, notamment la première:

Moi, j’aurais voulu entendre les personnes qui ont mise la sociothérapeute, seule, dans les “mains” de ce récidiviste !! Ne mettant nullement en doute ses capacité et sa formation ( plus de 200 accompagnements ) je reste convaincu qu’une jeune femme seule face à un violeur récidiviste a peu de chance

Ce qui est étonnant c’est que cette femme ait accepté de voir ce gars à l’extérieur et je me demande si elle connaissait son casier judiciaire ?

>> Certainement qu’elle le connaissait, mais apparemment l’une de ses collègues avait fait une sortie avec ce détenu qui s’était bien déroulée. Quels arguments avait-elle pour refuser? Il est dur, sur son lieu de travail et lorsque les autres vous poussent en avant, de dire que vous ne voulez pas juste parce que vous le sentez intuitivement mal, sans aucune preuve, seule contre tous…

Certes, cette jeune femme a peut être agit légèrement en acceptant cette prestation. Mais quelle incurie magistrale, une fois de plus, le conglomérat justicio-politique est à mettre à l’index.

>> c’était stupide de faire cette thérapie seule avec ce gars, vraiment stupide.

(Le violeur en fuite avec sa thérapeute court toujours, 24 Heures, le 12.09.2013)

Les discours infantilisant des “bons et honnêtes citoyens”

PetiteFilleMangaDe fait, le genre et le sexe d’Adeline M. se trouve au centre de la plupart des propos la concernant. Personne ou presque ne semble prendre en considération le fait qu’elle a choisi ce métier, qu’elle bénéficiait d’une formation poussée et qu’avec sept ans d’expérience, elle devait bien en connaître les risques. Tout cela est balayé au profit d’une caricature, qui insulte littéralement sa mémoire, en la représentant comme une sorte de petit chaperon rouge, mais en plus naïf encore, voire carrément plus stupide, se jetant dans la gueule du loup. Le but est assez évident: il s’agit de l’infantiliser pour en faire une victime absolue: pure, sans défense, innocente, sans aucune force, afin de noircir encore plus le portrait de celui que l’on accuse de l’avoir agressée. Ce stratagème permet en passant de jeter aux quatre vents la présomption d’innocence, puisque tout le monde est persuadé que Fabrice A. est coupable. Et il faut dire que le bonhomme a la tête de l’emploi avec son air patibulaire! Mais, cette façon d’instrumentaliser une femme morte pour déshumaniser un homme suspect afin de justifier la résurgence de réflexes primaires à son égard me semble constituer en fait le summum de l’indécence! C’est sexiste, c’est graveleux et c’est injurieux!  Il apparaît ainsi que tous ces gens se disant de “bons et honnêtes” citoyens, craignant pour leur sécurité, contribuent, apparemment à leur insu (de pleur plein gré?), à répandre une ambiance particulièrement malsaine pour les femmes! En effet, le message qui est envoyé de manière démultipliée et amplifiée sur la toile et dans les médias, c’est que certaines professions ne sont simplement pas faites pour les femmes qui devraient se restreindre à des métiers plus en phase avec leur “nature” de faiblardes physiques et psychologiques, par exemple: gentille éducatrice, accompagnatrice, assistante ou même simplement, une magnifique demoiselle….

Ici ou là, heureusement, quelques personnes mettent les points sur les “i”, soulignant qu’Adeline M. n’était ni une pauvre petite chose sans défense, ni une écervelée, ni même une semi-professionnelle larguée:

Etait-il bien raisonnable de charger une jeune femme d’accompagner ce délinquant sexuel à un cours de thérapie équestre?

Ce choix a été dénoncé par beaucoup de commentateurs au lendemain du drame. Pour Benjamin Brägger, spécialiste de l’exécution des peines, invité à s’exprimer samedi soir lors du journal télévisé de la RTS, il s’agit pourtant là d’un «faux problème». Si ce détenu était considéré comme présentant un risque de récidive important, il ne devait tout simplement pas sortir quelle que soit la nature de l’encadrement. Adeline a été choisie en raison de ses compétences et de son expérience, avait déjà relevé Bertrand Levrat, le patron des HUG dont dépend cette unité composée de 8 collaborateurs (cinq femmes et trois hommes), lors de la conférence de presse de vendredi. Une escorte policière, exigée en son temps par l’ancien procureur général Daniel Zappelli pour toute sortie de La Pâquerette, n’est guère envisageable pour ce genre d’activité. La présence de gardiens de prison peut être ajoutée mais celle-ci est souvent rendue compliquée notamment en raison du manque d’effectifs. (Après l’arrestation de Fabrice A., les cinq grandes questions soulevées par le meurtre d’Adeline, par Fati Mansour, Le Temps, 15.09.2013)

Enfin, je ne suis peut-être pas la seule à remarquer la teneur sexiste des propos sur la victime:

En conclusion: une insulte à la mémoire de la victime

Si la polémique déclenchée par ce fait divers s’est progressivement déplacée sur d’autres thématiques, il faut dire que la question de l’adéquation d’un encadrement féminin de dangereux criminels a été au centre de l’hystérie collective pendant les deux premiers jours et continue de revenir fréquemment dans les commentaires des internautes et des représentants politiques. Le fait qu’Adeline M. soit une femme a ainsi été largement instrumentalisé pour dépeindre un Fabrice A. comme un monstre sexuel et sanguinaire, ce qui permet de le condamner avant même la fin de l’enquête. Cependant, cette attitude ne permet pas seulement d’atteindre le suspect, mais également de se défouler, au noms de la victime, sur l’ensemble du système judiciaire et de ses acteurs, qui se retrouvent tous rangés à la même enseigne: celle des incapables, des inconscients, voir des traîtres à la volonté populaire. Que ne peut-on pas lire sur la soi-disant faillite totale des institutions responsables de l’application des peines, des juges, des experts psychiatriques, tous accusés de coupable indulgence post-soixanthuitarde et de favoriser les criminels au détriment des “bons et honnêtes citoyens”. Et pourtant, je ne trouve personne parmi ces détracteurs des “élites” soi-disant détachées du peuple, pour se demander si ces hurlements rendent vraiment justice à celle au nom de qui ils prétendent plaider!

Ainsi, en crachant sur les mesures de ré-insertion mises en œuvre à l’unité spéciale de la prison de Chandollon, en collaboration avec l’Hôpital Universitaire de Genève, c’est sur Adeline M. et ses collègues qu’ils jettent l’opprobre. En effet, tous ont choisi en toute conscience de travailler dans ce domaine afin d’aider des personnes comme Fabrice A. à se réinsérer dans la société au moment de leur sortie de prison. Cela signifie qu’elle faisait partie de ceux qui croient à la capacité des psycho-thérapies à corriger les penchants destructeurs de ces criminels et à une éventuelle rédemption. Il découle de cette logique qu’elle peut alors se placer au premier rang de ces abominables irréalistes angéliques, laxistes, salauds, etc, qui sont principalement tenus pour responsables de ce meurtre par la vox populi qui vocifère le plus fort! En d’autres termes, comme le disait assez crûment un commentaire relayé plus haut, elle est aussi à blâmer pour ce qui lui est arrivé: elle a payé chèrement pour sa naïveté et sa foi en l’être humain bon et généreux…A supposer qu’elle aie vraiment eu une telle vision de l’être humain! Croire en la possibilité de changer ne signifie pas croire que l’être humain est naturellement bon et généreux!

Pour moi, l’attitude citoyenne la plus décente à observer dans une pareille situation est justement de s’abstenir de paniquer et d’éviter toute hystérie ainsi que tout jugement hâtif. Dans leur déchaînement de colère, les gens ne semblent même plus se rendre compte qu’ils insultent littéralement la mémoire de cette femme. Les appels à la peine de mort, à la torture ou aux mauvais traitements pour les criminels dangereux ne constituent en rien une réponse appropriée à ce drame, ni à l’égard d’Adeline M., ni à l’égard d’une justice équitable et non-arbitraire. Au contraire, ces propos haineux piétinent littéralement ce en quoi elle croyait certainement, à savoir un système judiciaire respectueux des Droits de l’Homme. Exiger un changement immédiat des lois, dans l’espoir que chaque resserrement de boulons nous rapprochera un peu plus du risque zéro, constitue une dérive sécuritaire qui va à l’encontre de ce pourquoi elle a travaillé pendant près de sept ans! Si nous avons vraiment une âme et qu’un au-delà existe, je ne suis pas très sûre qu’elle doive beaucoup apprécier le triste spectacle que donnent ses anciens concitoyens écumant de rage et de haine sans prendre une seconde pour réfléchir!

Première publicité représentant une femme.

1943: Cette publicité a été créée par J. Howard Miller pour Westinghouse Electric. Elle devait stimuler le moral de la population durant la guerre, alors que les femmes devaient reprendre le travail des hommes partis au front. En tant que première représentation d’une femme dans une publicité, cette affiche a été ressuscitée par les mouvements féministes dans les années 1980. Source: Business Insider.

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